Les 50 plus beaux lieux de 2022…

best of 2022

\\ Albums

01. Danger Mouse & Black Thought – Cheat Codes [BMG]

Le tant attendu retour au hip-hop de ce producteur de génie qui avait commencé à marquer le genre & les esprits il y a bientôt 2 décennies avec un de ses premiers faits d’armes, probablement le meilleur moment de toute l’histoire du mashup, son Grey Album, qui faisait s’accoupler le Black Album de Jay-Z & le White Album des Beatles. Depuis les chemins ont été multiples, l’histoire exceptionnelle, & la discographie générée pavée de petits joyaux.

Se tenter une traversée de la dite discographie peut être un exercice un brin conséquent, mais il ne me semblait pas accessoire de se remémorer pour les un.es, ou de mesurer pour les autres, le cheminement de cet homme de l’ombre aussi discret & versatile que talentueux & essentiel. Versant hip-hop donc d’abord, avec en tête de peloton sa légendaire collaboration en format long avec le regretté MF DOOM, précédée & suivie de son album avec Jemini & de productions éparses pour Busdriver, Prince Po ou plus récemment A$AP Rocky & Run The Jewels. Versant plus hybride ensuite, avec d’entrée de jeu la mise en son du Demon Days de Gorillaz, puis juste derrière son duo avec Cee-Lo, Gnarls Barkley, un hit mondial & 2 LP, & un peu plus tard le 1er album des angelins Electric Guest. Versant rock indé également, de quelques tracks pour The Rapture à son triplé de longs formats avec James Mercer sous l’alias Broken Bells, en passant par d’autres albums produits d’un bout à l’autre pour The Black Keys, Portugal. The Man, Parquet Courts ou The Good, The Bad & The Queen, le supagroup formé de Damon Albarn, Paul Simonon, Simon Tong & feu Tony Allen. Et enfin la pop, prise d’assaut sous tous les angles, folk & sortie de nulle part avec les disques de The Shortwave Set & Joker’s Daughter, sombre & magnifique avec l’album ultime d’une autre légende disparue, Mark Linkous & son band Sparklehorse, rétro-arty avec le Modern Guilt de Beck, trip-hop avec le 2nd album de l’ex-égérie de Tricky, Martina Topley-Bird, cinématographique avec l’album Rome qui réunit Daniele Luppi, Norah Jones & Jack White, scintillante avec Lux Prima, le fruit de sa rencontre avec Karen O, soul avec les 2 longs formats de Michael Kiwanuka…tout cela jusqu’à aller se frotter aux canons de la pop à dos rond, ce qui aura pu en surprendre ou décevoir plus d’un.e, avec des pièces pour Adele, U2 ou les Red Hot Chili Peppers dernière mouture. Soit, une œuvre globale dont la variété & la richesse impressionnent mais qui surtout ne comprend que de très rares faux pas en comparaison avec les enjambées majeures accomplies. Une œuvre dont le tout dernier fruit vient de tomber, un fruit savamment mûri qui marque donc le retour de Brian Burton à son premier amour, le hip-hop.

Une dizaine d’années que cet album était en gestation, évidemment pour cause d’agendas chargés du côté des 2 concernés, & l’attente n’a jamais vraiment suscité de quelconque peine puisque leur présence respective au sein de l’actualité, même si à différents degrés, a parsemé ces 10 dernières années. Mais même si nous n’étions donc pas en peine, le résultat, lui, est à la hauteur de toutes les attentes. Cheat Codes représente tout simplement la réunion de 2 artistes majeurs des 2 dernières décennies, qui sont ici tout bonnement à leur meilleur. Il n’y a pas un mauvais moment dans l’ensemble du disque. Un disque de hip-hop empli d’âme, une âme lo-fi de surcroît, qui se répand dans des tracks gorgées d’échantillons de soul, de sons analogiques aux résonances psyché, imprégnées de grain & de textures dans les arrangements des sons comme de la voix. Le timbre de Black Thought de The Roots donc, tant qu’à revenir au hip-hop autant le faire avec un des meilleurs, & cela additionné d’une brochette de convives classe A qui se passe le micro avec tout autant de brio (Run The Jewels, Raekwon, Michael Kiwanuka, Conway The Machine, A$AP Rocky, Kid Sister, Joey Badass, MF DOOM…). Pour la plupart des plumes que Danger Mouse a déjà croisé sur sa route & qu’il regroupe ici sur ses mélodies dont la signature est de plus en plus palpable, & cela peu importe le genre, on croise parfois des chemins qui ne sont pas sans nous rappeler certains déjà empruntés chez Broken Bells, Portugal. The Man ou les projets Rome & Lux Prima. Ce qui en fait d’ailleurs un disque de hip-hop qui peut autant concerner les puristes que les non-initiés, authentique & sans compromis tout en étant accessible & ouvert. Mais sa plus grande particularité réside encore dans le fait que c’est un disque qui ne s’inscrit dans aucune tendance ni aucune époque, hors-mode, hors-temps, hors-normes, un album de hip-hop brillant & intemporel, sculpté pour devenir éternel…

Pièces de choix : Cheat Codes / Aquamarine (ft. Michael Kiwanuka) / The Darkest Part (ft. Raekwon & Kid Sister) / No Gold Teeth / Belize (ft. MF DOOM)…

02. UTO – Touch the Lock [Pain Surprises + InFiné]

Sans même entrer de plain-pied au sein de son contenu, il y a d’emblée 2 choses inédites qui enrobent cette médaille d’argent 2022. Tout d’abord, c’est la première fois depuis l’ouverture de cette chronique en 2014 qu’un band français se place dans le trio de tête. Ensuite, cela est d’autant plus inédit que c’est un band qui alterne pièces en français & en anglais, ce qui demeure de mon point de vue un terrain glissant qui a rarement su embellir la moindre escapade, aussi aventureuse soit-elle. Sauf qu’ici, que nenni, l’exception est reine. Non seulement le duo fille-garçon parisien (Neysa Mae Barnett et Emile Larroche à l’état civil) peut se targuer de proposer un 1er album qui se situe sur le front, tant au niveau de l’inspiration que de la production, de ce qui se passe dans la chanson électro contemporaine du monde d’aujourd’hui, mais en plus, & c’est là toute la beauté de l’entreprise, leurs tracks interprétées en français font partie des points culminants de l’aventure. De leur univers sonique alternativement lascif & percussif évoluant au croisement de l’électro-psych-pop-trip-hop à leurs harmonies vocales aux multiples pistes complices qui pourraient parfois raviver en nous le fantôme de leurs consoeurs Mansfield.Tya désormais tues…la justesse, le décalage, le groove, l’émotion, dignement imprégnées & joliment véhiculées dans ce tout 1er LP, sont donc agrémentées ici & là de paroles chantées en français qui ne dénaturent jamais l’ensemble & au contraire même le magnifient. Ce qui de rebond en rebond peut nous amener à une étonnante déduction, UTO représente finalement une des réponses les plus pertinentes & inattendues à l’hégémonie anglophone qui règne dans le domaine des musiques hybrides d’aujourd’hui. Nous n’avons évidemment pas d’ennemi, mais nous savons désormais qui peut rivaliser…

Pièces de choix : This New Phase / À la Nage / Souvent Parfois / Délaisse

03. Lucrecia Dalt – ¡Ay! [RVNG]

Sans pour autant faire table rase du passé, ce 8ème album de l’artiste colombienne d’adoption berlinoise se place à part dans sa discographie, comme il se place finalement également à part dans le paysage de la chanson contemporaine, puisque c’est donc plutôt par là que s’effectue le virage de l’électronicienne. Les originelles atmosphères électroniques obscures & expérimentales restent présentes au loin, tapies dans le fond, mais sont occultées cette fois par une ribambelle de percussions, clarinette, flûte, trompette & contrebasse qui supplante le décor sur des rythmes latins en slow motion. Le ciel n’est plus complètement noir mais le soleil a encore du mal à percer. Lucrecia Dalt expliquait que pour la première fois elle s’était inspirée des musiques de son enfance vécue à Pereira en Colombie, notamment le son & le boléro. Passées au travers de son univers, elles nous emmènent finalement davantage au sein des fanfares bancales de Tom Waits dans ses grands moments, le temps des Rain Dogs & autres Frank’s Wild Years, justement quand Marc Ribot était dans le coin, lui qui se tournera vers les musiques latines versant oblique quelques années plus tard. De New-Orléans à Pereira il n’y a qu’un pas, & jamais nous aurions pu imaginer écrire cela en se penchant sur un disque de Lucrecia Dalt. C’est toute la magie de ce nouveau départ, réussir à convoquer Tom Waits, la chanson latine au féminin & les expérimentations électroniques en un seul & même mouvement, l’historique & le futuriste dans un seul & même disque. Ce n’est d’ailleurs peut-être qu’une escale pour Lucrecia Dalt dont chaque album ne ressemble jamais vraiment au précédent, même si nous pourrions souhaiter qu’elle reste justement là, à part, ailleurs, & qu’elle donne une suite à ce disque de chansons hybrides aussi magnifiques qu’uniques…

Pièces de choix : Atemporal / Enviada / Contenida / Dicen

04. Sorry – Anywhere But Here [Domino Recording]

05. Aldous Harding – Warm Chris [4AD]

06. Porridge Radio – Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky [Secretly Canadian]

07. Los Bitchos – Let the Festivities Begin! [City slang]

08. The Smile – A Light for Attracting Attention [XL Recordings]

09. Lesser Evil – Subterranean [indépendant]

10. J.Rocc – A Wonderful Letter [Stones Throw Records]

11. Santigold – Spirituals [Little Jerks Records]

12. MISZCZYK -Thyrsis of Etna [indépendant]

13. Pusha T – It’s Almost Dry [Getting Out Our Dreams + Def Jam]

14. Open Mike Eagle – Component System with the Auto Reverse [Auto Reverse Records]

15. Kilo Kish – American Gurl [Kisha Soundscapes]

16. Perera Elsewhere – Home [Friends of Friends]

17. RJD2 & STS – Escape from Sweet Auburn [RJ’s Electrical Connections]

18. The Soundcarriers – Wilds [Phosphonic]

19. Marlowe – Marlowe 3 [Mello Music Group]

20. Mattiel – Georgia Gothic [ATO Records]

21. Ghostly Kisses – Heaven, Wait [Akira Records]

22. Big Thief – Dragon New Warm Mountain I Believe in You [4AD]

23. Kendrick Lamar – Mr. Morale & the Big Steppers [Top Dawg Entertainment + Aftermath + Interscope Records]

24. Kenny Beats – LOUIE [XL Recordings]

25. Viagra Boys – Cave World [YEAR0001]

26. Broken Bells – Into the Blue [30th Century Records]

27. Nate Husser – All Time High [+1 Records]

28. Naima Bock – Giant Palm [Sub Pop Records]

29. Maria Chiara Argiro – Forest City [Innovative Leisure]

30. Saya Gray – 19 Masters [Dirty Hit]

31. Billy Woods – Aethiopes [Backwoodz Studioz]

32. Attia Taylor – Space Ghost [Lame-O Records]

33. Sudan Archives – Natural Brown Prom Queen [Stones Throw Records]

34. Sly5thAve & Roberto Verastegui – Agua de Jamaica [Tru Thoughts]

35. Emily Wells – Regards to the End [Thesis & Instinct]

36. Jaguar Jonze – Bunny Mode [Nettwerk Music Group]

37. Spacemoth – No Past No Future [Wax Nine Records]

38. Denzel Curry – Melt My Eyez See Your Future [Loma Vista Recordings]

39. Black Star – No Fear of Time [indépendant]

40. Action Bronson – Cocodrillo Turbo [Loma Vista Recordings]

Bonus best remix LP : Run The Jewels – RTJ CU4TRO [Jewel Runners]

\\ Singles

41. SAULT – Stronger [Forever Living Originals]

42. Son Little – Like Neptune [Anti]

43. Tennyson – Get Gone [Counter Records]

44. Kristine Leschper – Ribbon [Anti]

45. Perfume Genius – Ugly Season [Matador Records]

46. Samm Henshaw – 8.16 [AWAL Recordings]

47. Alvvays – Very Online Guy [Polyvinyl Records]

48. Young Jesus – Ocean (ft. Tomberlin) [Saddle Creek]

49. Fantastic Negrito – Highest Bidder [Storefront Records]

50. La Rumeur – Saturé [Da Buzz]


Pour marque-pages : Permaliens.

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